La
Wilaya IV s’est retrouvée dans situation délicate à la veille de
l'indépendance. Subissant les coups de l'armée coloniale, sans pouvoir s’armer à
partir de lointaines frontières, elle se trouvait totalement
délaissée par une direction extérieure dont différents groupes se
préparaient à la course pour le pouvoir. Mobilisée dans la lutte contre l'OAS, dont
l'essentiel de l'activité se concentrait en Wilaya IV, elle a mobilisé
toute son énergie pour assurer la continuité de la lutte armée.
Son
arbitrage était cependant important pour le moment fatidique, celui de
la prise du pouvoir. GPRA dirigé par Benyoucef Benkhedda, disposant de
la légalité mais sans troupes, d’un côté ; armée des frontières
dirigée par Houari Boumediène, poussant Ahmed Bella de l’autre côté,
se disputaient le pouvoir pendant que la rue criait « sebaa snine
abrakat » (sept ans, ça suffit).
C’est
dans ce contexte que la Wilaya IV, seule organisation territoriale dont
les troupes se trouvaient à Alger au moment du cessez-le-feu puis du référendum,
a organisé un défilé militaire symbolique le 5 juillet 1962 à Alger,
de Birkhadem en passant par l’avenue de l’ALN et jusqu’à Sidi
Fredj, lieu de débarquement de l’armée coloniale 132 ans plus tôt.
La
Wilaya IV est, dans un premier temps, favorable au respect des
institutions. Elle soutient que la révolution a mis en place des
institutions qu’il faut respecter et conforter pour bâtir le futur
Etat algérien. Ses dirigeants reçoivent de nombreux émissaires, parmi
lesquels Mohamed Boudiaf, mais refusent de s’aligner sur un groupe.
Quand
l’armée des frontières, qui s’était préparée et équipée, décide
de prendre Alger d’assaut, portant Ben Bella au pouvoir, elle n’hésite
pas à déclencher le feu contre les unités de la Wilaya IV, dans la région
Ksar El Boukharia, au sud de Médéa, par le sud, et entre Chlef et
Relizane, par l’ouest.
Les
dirigeants de la Wilaya IV refusent de tirer sur des compagnons
d’armes. Ils publient un communiqué expliquant leur position,
font cesser les combats. Ils sont d’autant plus gênés que nombre de
leurs anciens compagnons leur sont envoyés en émissaire, agissant pour
un groupe ou l’autre. Ainsi, le colonel Sadek Dehilès, ancien chef de
Wilaya, le commandant Omar Oussedik, le Commandant Azzeddine, le
Commandant Moussa Charef, les capitaines Ali Lounissi et Boualem
Oussedik, qui se trouvaient à l’extérieur, sont favorables au GPRA
dirigé par Benyoucef Benkhedda. De leur côté, Rabah Bitat, membre du
groupe des six, premier responsable de la Wilaya IV le 1er
novembre 1954, Ahmed Bouchaïb, membre des 22, adjoint de Rabah Bitat, Amar Ouamrane, premier responsable de la Wilaya IV avec le grade
officiel de colonel au lendemain du congrès de la Soummam, et Ahmed
Bencherif travaillent pour le groupe de Tlemcen.
Les
dirigeants de la Wilaya IV restés à l'intérieur vivent encore au
milieu de leurs troupes et du peuple. Ils sont fortement marqués par
cette situation, et restent très éloignés des intrigues de
l'extérieur. Ils découvrent, avec effarement, ce qu'ils ne faisaient
que soupçonner: ceux de l'extérieur sont prêts à tirer sur des
compagnons d'armes si la route du pouvoir doit passer par là. Ils
tentent de calmer le jeu, refusent de se joindre à un groupe contre
un autre. Mais cette attitude de sagesse ne fait qu'aggraver leur
situation, car les autres groupes les mettent en accusation, leur
reprochant de ne pas s'engager dans le bras de fer alors en cours.
La
Wilaya IV se contente de prôner la concertation, de prendre le peuple
à témoin, de s'accrocher aux institutions existantes, pour éviter des
crises qui peuvent mener à la guerre civile, comme le montrent
différents documents et déclarations. |