La Wilaya IV            الولاية الرابعة التاريخية

 

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- L'affaire Bensaïdi

- L'affaire de l'Elysée

 

 

Documents

 

- Objectifs révolutionnaires,

in El-Moudjahid, août 1957

- Hassan IV, in Jeune Afrique, 1962

- Massu, Le Torrent et la digue (extraits)

- La vie en Wilaya IV

- Bougara: une plume subtile

 

 

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L'affaire de l'Elysée

Témoignage de Si Hassan

Au sujet de l’affaire Si Salah ou affaire Elysée, il serait préférable d’utiliser le terme de contact, car en fait, il y a eu un seul et unique contact entre le Conseil de la Wilaya IV et De Gaulle.

Ce sont donc des anciens compagnons qui livrent leur témoignage pour l’histoire, en dehors de toute pression ou d’un quelconque parti pris, car ils jugent qu’il est de leur devoir de rétablit la vérité sur ces faits qu’ils laissent à l’appréciation des hommes et des générations futures.

Pour nous, la révolution n’a rien à cacher. Nous relaterons les faits tels qu’ils se sont passés, situant la responsabilité de chacun.

Mais avant toute chose, et pour bien comprendre la genèse de cette affaire, il faut absolument se place dans le contexte de l’époque.

1-     Situation à l’intérieur de la Wilaya IV

Comme les autres Wilayas de l’Intérieur, la Wilaya IV avait subi une pression terrible de l’ennemi : offensive Challe en 1959, continuée par l’opération Matraque (mars 1960) et Cigalle (août-septembre 1960).

L’ALN a eu de lourdes pertes (près du tiers de ses effectifs) et les victimes civiles se comptaient par milliers. L’ennemi tentait d’isoler les combattants par l’extension des zones dites « interdites », par l’implantation de nouveaux postes dans les djebels, l’ouverture de nouvelles pistes et le regroupement par la force des populations acquises à l’ALN dans des « centres de regroupement ».

La Wilaya IV, de par sa situation géographique, son importance économique pour le colonialisme et vu la forte concentration de peuplement européen dans les villes et la capitale, sera bien encadrée par les forces ennemies qui exerceront une pression constante sur elle.

L’échec de la solution militaire envisagée par les militaires français va contrindre le gouvernement De Gaulle à proposer le 16 septembre 1959 un référendum sur l’autodétermination. Ce fut un tournant capital de la guerre d’Algérie : pour la première fois, le pouvoir colonial reconnaissait au peuple algérien le droit de décider de son sort.

Pour mémoire, on rappellera que la réponse du GPRA à cette proposition de De Gaulle fut une déclaration sassez vague de son président : « l’autodétermination est une chose, son application est une autre ».

Aucune information ni directive n’a été transmise aux wilayas de l’intérieur, qui ignoraient totalement la position du GPRA.

Ainsi, les Wilayas vivaient dans l’isolement total et assumaient seules la conduite de la guerre. Elles éprouvaient un sentiment d’abandon qui s’exprimait dans un climat de suspicion envers la Direction Nationale, laquelle ne manifestait aucun intérêt pour les maquis et se trouvait coupée des réalités de la lutte.

Cet état d’esprit s’est exprimé au cours de la réunion des colonels (chefs de wilayas) qui s’est tenue du 6 au 12 décembre 1958 en Wilaya III. Y ont assisté les Wilayas I, III, IV et VI. La Wilaya II aurait envoyé un observateur. La Wilaya V, qui a toujours existé à l’extérieur (Oujda) depuis sa création, était absente.

En résumé, cette réunion voulait résoudre le problème de l’armement qui faisait défaut, des liens intérieur – extérieur, des dissidents ou assimilés. Parmi d’autres négligences de la direction nationale, on peut relever :

-         l’abandon de la capitale à son propre sort depuis la fameuse bataille d’Alger ; Aucune décision n’avait été prise à ce sujet jusqu’en 1959, date à laquelle la Wilaya IV a pris l’initiative de sa réorganisation par la création d’une nouvelle zone (6) confirmée par l’extérieur en 1960.

-         L’absence totale de réponse venant de l’extérieur aux diverses suggestions, demandes, rapports importants ou propositions de la Wilaya.

De plus, nous devons rappeler que si les maquis avaient des griefs contre l’extérieur, l’ALN aux frontières a subi elle-même quelques crises, telles que l’assassinat de Abane, l’affaire Zoubir à l’ouest (1957), mais surtout le « complot des colonels » (affaire Lamouri en novembre 1958 à l’est.

2-     Situation à l’extérieur :

Depuis le début de 1959, la Wilaya IV n’a reçu aucun renfort de l’extérieur. Les quelques unités qui ont réussi à traverser les frontières étaient mal équipées et surtout dotées d’armement ancien.

A la mi-décembre 1959, s’est tenue une réunion du CNRA à Tripoli. Parmi les décisions prises, il y avait un remaniement du GPRA, la création de nouveaux organismes (CIG et EMG) et surtout l’adoption d’une motion solennelle demandant l’introduction de renforts à l’intérieur dans le courant 1960.

C’est dans ce contexte précis, marqué par des conditions de lutte difficiles, et un « lâchage » des maquis par l’extérieur que s’est développée cette affaire dite de l’Elysée.

Nous citerons les faits tels qu’ils se sont passés chronologiquement et nous essaieront d’en faire une analyse objective.

Le 14 janvier 1960, une réunion du Conseil de Wilaya comprenant les chefs de zone s’est tenue en zone 2 dans la région de Médéa. A l’ordre du jour figuraient les questions suivantes :

·       Etude et analyste de la situation générale de la Wilaya au lendemain des grandes offensives ennemies

·       Nouvelle stratégie de lutte

·       Réorganisation des Conseils de Wilaya et de zone

Ce rapport, reflet de la situation politique et militaire en Wilaya IV, fut transmis au GPRA. Le président de cette institution prétend n’avoir reçu ce document qu’en juillet 1960.

Au cours de cette réunion, le Conseil de Wilaya qui ne comprenait que deux membres depuis la tombée au chapt d’honneur de Si M’Hamed Bougara (5 mai 1959) a été complété par l’adjonction de deux capitaines chefs de zone : Lakhdhar (zone 5) et Halim (zone 1).

La réunion terminée, les chefs de zone rejoignent leurs postes de commandement et le conseil de Wilaya au complet se répartit les tâches comme d’habitude. Entre autres, les Conseil de Wilaya convient de réactiver les décisions prises par les colonels lors de leur réunion historique de décembre 1958, à savoir :

-         poursuivre les efforts en vue de coordonner et d’unifier l’action de l’ALN par une reprise des contacts avec les autres Wilayas.

-         Envoyer des émissaires au GPRA pour sensibiliser la Direction Nationale sur les problèmes et difficultés des maquis, notamment le manque de cadres, d’armes et de munitions.

La répartition des tâches entre les membres du Conseil s’est faite ainsi :

-         Salah devait rester au PC

-         Si Mohamed Bounaama part en contrôle en zones 3 et 4. Il était aussi charger de contacter la Wilaya V.

-         Lakhdhar et Halim devaient contacter les autres Wilayas et l’extérieur.

Mais quelque temps après, Lakhdhar et Halim interrompent leur mission et prennent l’initiative d’établir un contact avec le gouvernement français pour connaître les intentions de ce dernier pour ce qui est de l’application du principe de l’autodétermination retenu.

Les deux commandants firent appel au capitaine Abdellatif (chef de la zone 2) pour leur faciliter la tâche. Par son biais, ils prirent contact avec le cadi de Médéa (Mazighi) qui fut chargé de transmettre un message au gouvernement français contenant leur intention de rencontrer des responsables politiques au plus haut niveau.

Ils voulaient discuter des offres françaises concernant l’autodétermination et posaient comme condition : les pourparlers devaient s’effectuer en dehors de la présence militaire française.

Le Cadi de Médéa informa le procureur général d’Alger Schmelk qui, à son tour, contact Edmond Michelet, ministre de la justice et ancien compagnon de De Gaulle. Celui-ci donna son accord et confie l’affaire à son proche collaborateur Bernard Tricot, conseiller et chargé des affaires algériennes.

Une rencontre fut convenue et eut lieu secrètement à la préfecture de Médéa le 28 mars 1960. Etaient présents :

-         D’une part les commandants Lakhdhar et Halim ;

-         D’autre part Bernard Tricot, représentant de l’Elysée, Pierre Mathon, délégué de Michel Debré. Delouvrier, délégué général de l’Algérie, Challe, commandant en chef dd l’armée, Roy, commandant la zone Sud Algérois, donc du secteur de Médéa, auraient été informés des contacts en cours le 23 mars 1960.

Une deuxième rencontre eut liue toujours à Médéa toujours entre les mêmes personnes.

Les Français exigèrent au cours des discussions l’observation d’un cessez-le-feu.

Les Algériens ont refusé et demandé de rencontrer le chef de l’état français et la neutralisation du secteur de Médéa pour faciliter les déplacements.

Au cours d’une autre rencontre, le 2 juin 1960, le projet d’un voyage à Paris fut arrêté.

Jusque là, les deux autres membres du Conseil de Wilaya, Si Salah et Si Mohamed Bounaama ignoraient tout de ces contacts. Il semblerait que Salah aurait été informé des contacts entamés par Lakhdhar et Halim vers la fin mai 1960. Salah aurait subordonné sa participation à la présence de Mohamed Bounaama.

De leur côté, les émissaires français, puisqu’il s’agissait d ‘une rencontre avec De Gaulle, ont exigé la présence de Si Salah et Si Mohamed, responsables en titre de la Wilaya. C’est ainsi qu’un courrier fut expédié à Si Mohamed qui se trauvait en zone 3 (Ouarsenis), lui demandant de rejoindre de toute urgence le PC de la Wilaya, implanté en zone 2.

Pour la compréhension de cette affaire, il faut rappeler la correspondance envoyée par Lakhdhar et Halim au GPRA, lui demandant de faire une déclaration publique les habilitant à négocier les termes de l’application de l’autodétermination. Sinon, ils feraient une déclaration pour dénoncer le comportement de l’extérieur. La réponse du président du GPRA est connue, et n’arriva qu’en septembre 1960.

Si Mohamed, arrivé en zone 2 le 8 juin, trouve un message pour rejoindre les autres membres du Conseil de Wilaya à Médéa. Arrivé le 9 juin au matin à Médéa, Si Mohamed est informé du départ imminent pour Paris, le même jour. Faisaient partie du voyage trois membres du Conseil de Wilaya : Salah, Mohamed et Lakhdhar.

Une série de négociations allaient avoir lieu entre les émissaires algériens et français. Les propositions françaises comprenaient:

-         le rassemblement des djounoud dans des zones à déterminer ;

-         la constitution de commissions mictes ALN-gendarmerie ;

-         amnistie ;

-         autodétermination avec la possibilité de constituer un parti légal.

La rencontre avec De Gaulle eut lieu le 10 juin à 21 H.

Celui-ci leur fit part du discours qu’il s’apprêtait à faire à l’intention de la direction du FLN à Tunis le 14 juin, et qu’il allait les inviter à venir négocier à Paris.

Les émissaires algériens ont demandé l’autorisation de rencontrer les frères détenus à Paris (Ben Bella et ses compagnons) et d’envoyer un émissaire à Tunis, ce qui fut refusé.

Si Mohamed, pour trouver un échappatoire, demanda le temps nécessaire pour consulter les officiers de sa propre Wilaya et prendre contact avec les autres Wilayas.

Le 12 juin, les émissaires algériens étaient de retour à Médéa.

Le Conseil de Wilaya s’est séparé sur la base suivante :

-         Salah et Halim devaient se rendre en Wilaya III, pour en rencontrer les responsables ;

-         Mohamed devait contacter le Commandant Tarik et d’autres responsables de la Wilaya V. Mohamed avait rejoint le maquis le 12 juin. Après son départ, une nouvelle rencontre eut lieu entre Salah et Halim d’une part, Tricot, Mathon et Jacquin d’autre part, pour mettre au point le départ des premiers vers la Wilaya III.

Lors d’une réunion avec des officiers et djound de la zone 2, Si Mohamed fit part de son désaccord sur la démarche entreprise par le reste du Conseil de Wilaya et son opposition aux propositions françaises.

Décision fut prise, en commun avec ces officiers, pour ramener de Médéa les trois responsables Salah, Lakhdhar et Halim.

La décision arrêtée a été la suivante :

-         Lakhdhar et Halim, qui portent l’entière responsabilité de cette affaire, seront sanctionnés, n’étant pas membres titulaires du Conseil de Wilaya.

-         Salah, qui n’a pas su en tant que chef de Wilaya par intérim arrêter l’évolution de cette affaire, et compte tenu de sa qualité de  membre du CNRA, a été démis de ses fonctions. Sob cas a été soumis au GPRA. En attendant, il restait au PC, libre de ses mouvements et gardait son arme.

La sanction a été appliquée pour Lakhdhar et Halim, ainsi que pour Abdellatif. Quant à Salah, suite à la décision du GPRA de l’acheminer vers l’extérieur, il tomba au champ d’honneur lors d’une embuscade tendue par l’ennemi en juillet 1961 en Wilaya III.

Donc, on peut dire au total, et contrairement aux spéculations de l’ennemi, que cette affaire s’est réglée par l’ensemble des officiers de la Wilaya, y compris Si Mohamed, et sans l’appui d’une intervention quelconque extérieure, et que seulement quatre officiers ont été sanctionnés.

Ce sont là des faits réels, et nous souhaitons qu’ils aident à faire comprendre cette affaire qui a fait couler beaucoup d’encre.

Pour l’histoire, nous pensons également mettre un terme aux mensonges et déviations de ceux qui s’acharnent à ternir l’image de notre révolution, les falsificateurs et ceux qui s’érigent en donneurs de leçons, ceux-là mêmes que la simple pudeur aurait du inciter à plus de retenue parce qu’ils étaient absents du champ de bataille.

Quant à nous, témoins de ce lourd drame de notre lutte de libération, et du fait de notre présence sur les lieux et de notre connaissance des acteurs, qui furent nos compagnons jusqu’en 1960, nous tenons à tirer les conclusions suivantes :

  1. Il faut se placer dans le contexte de l’éopque : à l’intérieur, l’ALN subit de lourdes épreuves avec les offensives ennemies. Elle a perdu beaucoup d’hommes, de cadres, et d’armement. Aucune aide ne venait de l’extérieur, ni en hommes ni en matériel, et même pas en correspondance ;

Rappelons également la réunion des Colonels Chefs de Wilaya de décembre 1958, qui a fait le même constat et a retenu le principe d’une direction à l’intérieur, sur les lieux de combat, en réactivant le principe retenu au congrès de la Soummam : primauté de l’intérieur sur l’extérieur ;

  1. A l’extérieur, l’ALN des frontières a eu beaucoup de griefs vis à vis du GPRA, ce qui s’est traduit par les différentes affaires connues : assassinat de Abane, affaire Zoubir, affaire Lamouri. Et, à postériori, nous pouvons citer un autre événement qui est venu confirmer tout cela : l’insubordination de l’état-major général au GPRA et le conflit qui s’en est suivi, débouchant sur la crise de 1962.

Ainsi, donc les analyses des chefs de l’ALN de part et d’autre des barrages se rejoignaient quant au fonds.

C’est donc dans ce contexte d’irresponsabilité et de négligence de l’extérieur que se situe l’affaire dont nous venons de parler. Il est vrai que deux commandants, Lakhdhar et Halim, membres par intérim du Conseil de la Wilaya IV, ont pris l’initiative, sans consulter les autres membres, de contacter les autorités françaises pour connaître leurs intentions quant à l’application du principe de l’autodétermination. Salah ayant été informé bien après que les premiers contacts aient été noués, n’a pas su les arrêter en sa qualité de supérieur hiérarchique.

Mohamed, informé à la dernière minute, au moment du départ pour la rencontre avec De Gaulle, a été obligé de suivre le mouvement et a assisté à cette rencontre. A son retour, il reprit les choses en mains, en accord avec tous les officiers se trouvant en zone 2.

De toutes les façons, pour ces responsables, tous anciens maquisards depuis la première heure, il n’a jamais été question de capituler, d’engager un processus seuls ou de trahir la Révolution. Dans le contexte de l’époque, ils se sont sentis aptes, comme n’importe quel autre responsable de la révolution, à prendre contact avec l’ennemi pour sonder ses intentions et non pas pour négocier la cessation du combat ou l’avenir du pays.

Maintenant, il y a eu des sanctions. Pourquoi ? Pour la simple raison de discipline interne. Toute décision concernant l’intérêt ou l’avenir de la Révolution doit être prise en commun, selon le principe de la direction collégiale retenu au congrès de la Soummam.

En définitive, cette affaire s’est achevée par la sanction contre quatre officiers, et n’eut aucune incidence sur la poursuite du combat. Celui-ci continue avec autant de courage et d’abnégation, et les nombreuses actions de l’ALN sont là pour le prouver.

Mais l’ennemi n’ayant pu arriver à ses objectifs, s’est manifesté comme d’habitude en déclenchant de grandes opérations –citons par exemple l’opération dite Cigalle qui a englobé qui a englobé la zone 3 (Ouarsenis) et qui a duré de juillet à décembre 1960.

Nous pouvons conclure qu’en fin de compte, la responsabilité entière incombe à la Direction de la Révolution qui, non seulement était coupée des réalités de la guerre et n’avait aucune prise sur les événements, mais était plongée dans des problèmes de personnes et de règlements de comptes.

Une direction plus volontaire et plus sincère aurait évité à notre révolution toutes ces épreuves douloureuses.