Quand
je dresse le bilan de l’année 1959, dix huit mois après le retour du
Général (de Gaulle) au pouvoir, je ne peux détacher mon esprit de
certains aspects de la situation qui me paraissent inquiétants.
A l'heure où l'on se plaît à dire que la rébellion a perdu la
partie, parce qu'elle est étranglée aux frontières tunisienne et
marocaine et parce que, incontestablement, le djoundi
souffre dans le
maquis physiquement et moralement, nous assistons à un phénomène déconcertant
: au beau milieu du territoire algérien, la wilaya 4 fait montre d'une
vitalité et d'un dynamisme extraordinaires. Elle s'est toujours
singularisée par rapport aux autres wilayas. Cela a tenu à la
personnalité rayonnante du colonel Si M'Hamed, moins intellectuel que
son second, Kabyle brillant et réfléchi, mais un véritable chef de
maquis. Grâce à lui la flamme révolutionnaire brûle en wilaya 4. Une
révolution qui se veut pure et qui s'affermit par opposition au relâchement
relatif régnant dans les autres wilayas.
Force est de constater que
le F.L.N. a gagné des points sur le plan psychologique. Son objectif
demeurant toute la conquête de la population, il a exploité la
reconnaissance du droit à l'autodétermination comme un aveu de
faiblesse part de la France et comme une victoire devant aboutir inéluctablement
à l'indépendance.
Il a développé sa
propagande sur le thème de l'autodétermination synonyme de l'indépendance,
synonyme de victoire F.L.N., et sur le thème du pardon aux égarés.
(…) Devant une population musulmane qui ne respecte que la force, donc
le châtiment immédiat et exemplaire des coupables, elle (l’armée
française) n'a encore en main qu'un appareil judiciaire long, compliqué
et peu efficace. De 1956 à 1960, le nombre des condamnations à mort et
des exécutions a régulièrement diminué. Pour 400 condamnations à mort, il y a eu, en quatre ans, 63 exécutions, soit 16 %. Il
ne faut pas s’étonner, dans ces conditions, du nombre important des
individus actuellement détenus dans les deux centres militaires
d’internés (567),
les quarante centres de triage et transit (4.735) et les six centres d'hébergement
(4.528). Ces centres ont tendance à devenir parfois de véritables séminaires
FLN qu il faudrait pouvoir vider au plus tôt. |