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        années 1957-1958 ont été, pour la Wilaya IV, les années fastes.
        Plusieurs facteurs ont contribué pour permettre à la Wilaya de connaître
        son apogée durant ces années où la maîtrise du terrain était
        totalement l’avantage de l’ALN. -        
        L’implantation de l’organisation FLN-ALN avait mûri, pour
        couvrir l’ensemble des régions et des agglomérations. Elle s’était
        développée, affinée, rôdée après trois années de lutte qui
        avaient permis de mettre finaux tâtonnements des premières années. -        
        Le congrès de la Soummam avait apporté des améliorations
        politiques et organiques pour adapter la lutte aux nouvelles données.
        Il a notamment confirmé l’autonomie des Wilayas, affirmé la primauté
        de l’intérieur sur l’extérieur et décidé une forme
        d’organisation homogène pour toutes les Wilayas. -        
        La grève des étudiants et lycéens de mai 1956 avait offert au
        FLN-ALN la possibilité d’un recrutement nombreux et de qualité, qui
        arrivait lui aussi à maturité. -        
        La forte activité militaire au sein de la zone autonome d’Alger
        et son écho médiatique forçait l’armée française à se concentrer
        sur la capitale, acceptant implicitement ses pertes dans le reste de la
        Wilaya IV. -        
        L’armée française ne s’était pas encore adaptée à la
        guerre. Elle se trouvait sur la défensive, ne disposant pas des moyens
        et de la puissance qui seront les siennes sous De Gaulle. -        
        L’acheminement des armes restait possible à partir de l’extérieur,
        les lignes Challe et Maurice n’ayant pas été encore achevées. -        
        L’avènement d’un chef de Wilaya hors du commun, en
        la personne de Si M’Hamed Bougara, qui a réussi à donner à la
        Wilaya IV une organisation et une envergure jamais égalées.
        
         La
        Wilaya IV a réussi alors à mener alors de front une activité
        politique et militaire qui lui permirent de contrôler le terrain. Aux
        actions d’éclat succédaient des initiatives politiques ou
        symboliques qui frappaient l’opinion. -        
        Dès le 23 octobre 1956, l’ALN tendait une embuscade meurtrière
        à l’armée française à El-Fernane, près de Berroughia. L’attaque
        était dirigée par le chahid Mustapha Lakehal. -        
        L’exécution d’Amédée Froger, maire de Boufarik, la deuxième
        ville de la Mitidja, et président de l’association des maires d’Algérie,
        un des symboles de la colonisation. L’opération a eu lieu le 28 décembre
        1958 en pleine ville. -        
        Le 9 janvier 1957, Mohamed Benmoussa (Si Hamdane) dirigeait une
        embuscade à Tizi Franco, près de Menaceur, dans la région de
        Cherchell, sur le versant nord du Dhahra. L’ALN récupérait près de
        90 armes dont trois fusils mitrailleurs. -        
        Le commando de la Wilaya, dirigé par Si Slimane, organisait, le
        28 février 1957, une autre embuscade près de Damous, entre Cherchell
        et Ténès, dans la même région. Le butin était aussi impressionnant,
        avec 68 armes, dont six fusils mitrailleurs. Deux fusils mitrailleurs
        ont été récupérés d’un avion abattu. -        
        En mars, Si Noureddine dirigeait une autre opération près de
        Tarik Ibn Ziad, dans l’Ouarsenis. -        
        Durant le même mois, Hadj Lakhdhar dirigeait une opération
        similaire dans les monts de Chréa, dans l’Atlas blidéen. -        
        En mai 1957, eut lieu un affrontement d’une rare violence près
        de Hassania, dans la région de Aïn-Defla, aux premiers contreforts de
        l’Ouarsenis. Une compagnie française fut exterminée, un capitaine et
        deux sous-officiers furent capturés. -        
        Le 7 août 1957, un autre accrochage de grande envergure eut lieu
        dans la région de Beni Aïssa, près de Médéa. Le commando de l’ALN
        était dirigé par Ali Cherchali (Si Dhifallah). Plusieurs avions, dont
        des Jaguar et des hélicoptères, furent abattus. -        
        Le 13 septembre, Nouri Seddiki, dit N’Haye (un ancien d’Indochine),
        dirigeait une embuscade dans les monts de Dira, près de Sour
        El-Ghozlane. Une trentaine d’armes furent récupérées. -        
        Le 16 octobre, à Zougala, au pied du Zaccar, près de Miliana,
        neuf fidayine, dirigés par Si Abdelaziz, étaient accrochés par des
        parachutistes. Dix sept militaires français furent tués, dont un
        capitaine. Huit des neuf fidayine tombèrent en martyrs. -        
        Si Mohamed Bounaama, futur chef de Wilaya, a dirigé lui-même
        une embuscade sur la route menant de Chlef vers Bordj Bounaama (ex-Molière),
        dans l’Ouarsenis. L’opération dura de longues heures, et se solda
        par plusieurs dizaines d’armés récupérées, et un avion abattu. L’année
        1958 fut tout aussi héroïque. L’instabilité en France même finit
        par ramener De Gaulle au pouvoir, alors que les services spéciaux français
        lançaient la fameuse opération « bleuite », qui fit des dégâts
        au sein de l’ALN. L’opération consistait à faire croire que
        certaines personnes ayant rejoint l’ALN étaient en fait envoyées par
        l’armée française pour noyauter l’ALN. Le climat de suspicion, la
        conjoncture de guerre, les impératifs de sécurité donnèrent lieu à
        certains abus, moins nombreux qu’en Wilaya III. Mais cela ne diminua
        pas l’ampleur des actions de l’ALN. -        
        Le 16 janvier, la célèbre katiba Karimia (portant le nom d’un
        martyr, Karim, selon la tradition de l’époque), attaqua une compagnie
        française près du barrage de Oued Foddha, à la limite entre la plaine
        du Chéliff et l’Ouarsenis. La katiba, dirigée par Tahar Bouchareb,
        fit 28 prisonniers, un chiffre énorme pour cette époque. Deux des
        prisonniers furent acheminés au Maroc et libérés en 1960. -        
        Le 5 mars, à Bougaadoun, dans la région de Beni Slimane, quatre
        katibas dirigées par le chef militaire de la Wilaya IV, Si Lakhdhar,
        participèrent à une bataille de grande envergure. On compta desd
        dizaines de morts dans les rangs des unités françaises. L’ALN y
        perdit Si Lakhdhar et un de ses adjoints, Si Abdelaziz. -        
        60 moudjahid tombèrent peu après, le 22 avril, toujours à
        Bougaadoun, dans une autre grande bataille. -        
        Le 5 juillet, la katiba Hassania abattait un avion jaguar dans la
        région de Aïn-Defla, près du djebel Doui qui surplombe la plaine du
        Chéliff. -        
        Le 30 décembre 1958, à Mokorno, dans les montagnes qui
        entourent Berrouaghia, au sud de Médéa, la katiba Omaria était
        accrochée par d’importantes forces françaises. Deux jours plus tard,
        le bataillon Ben Badis, composée des katibas Zoubiria, Hamdania, Omaria
        et une section de la Djelloulia de la Wilaya VI, zone une, livrait
        bataille bataille au même endroit à des forces françaises comprenant
        plusieurs milliers d’hommes. L’ALN abattit trois avions, élimina près
        de 200 éléments des troupes françaises, et perdit 144 hommes. A
        partir de ce moment, le commandement de la Wilaya IV décida de changer
        de tactique militaire. La consigne était d’éviter les grands
        regroupement d’hommes, la dissolution des grandes unités pour éviter
        des affrontements frontaux, certes médiatiquement importants mais coûteux
        en hommes. Si M’Hamed Bougara, qui devait tomber au champ d’honneur
        quelques mois plus tard, en mai 1956, entame cette mutation, qui fut
        poursuivie par son successeur, Si Salah. Comparés
        aux bilans des grandes guerres classiques, ceux des opérations menés
        par l’ALN dans la Wilaya IV peuvent paraître modestes. Mais ils
        prennent toute leur ampleur quand on le resitue dans son contexte
        militaire et politique : il s’agit d’une guerre de guérilla, où
        on compte d’abord sue le politique qui prime sur le militaire, et où
        il s’agit moins de remporter une victoire militaire que de forcer
        l’ennemi à négocier sous la pression de l’action militaire. L’impact
        politique, médiatique et psychologique d’une opération est souvent
        plus important que son bilan réel. C’est ce que la Wilaya IV a réussi
        à montrer de manière éclatante durant ces années où elle avait
        acquis la maîtrise du terrain, jusqu’à la mort de Bougara, à Ouled
        Bouachra, dans les montagnes de Médéa. |